Patricia

Patricia Criton
Clodette de 1968 à 1971
A droite, en blanc aux côtés de Maddly, Peggy et Linda

Interviewée en Mai 2012 :
Patricia Criton est loin, bien loin de l’image que parfois renvoient les danseuses-potiches de la télévision. Les Clodettes, c’était autre chose. Non seulement un corps qui faisait fantasmer plus d’un homme, mais aussi une tête bien faite. L’ex-Clodette qui a trouvé refuge par amour dans le Doubs, ne fait pas exception.
Claude François ne s’entourait pas de la première venue. Même si c’est le plus grand des hasards qui a mené la jeune Patricia, alors âgée de 18 ans, dans le bureau de la plus grande star de l’époque.
La jeune beauté d’origine sénégalaise, fille d’un militaire de carrière, se destinait plutôt à devenir enseignante ou médecin.
“J’ai croisé un jour vers le théâtre de l’Odéon Maddly Bamy, qui était Clodette à l’époque et qui deviendra plus tard la compagne de Jacques Brel.
“Mademoiselle, vous êtes très jolie, vous ne voudriez pas faire du cinéma ?”
me demande-t-elle. Un mois plus tard, elle m’aborde à nouveau en me proposant de danser avec Claude François. Je lui réponds alors que je ne sais pas danser…”
Maddly insiste et Patricia se retrouve chez elle à danser sur un disque.
“À l’internat, j’avais juste appris la danse classique naturelle, c’est-à-dire les gavottes et les menuets…
Maddly m’a répondu que ça ferait l’affaire. Si Claude te demande si tu sais danser, tu lui diras oui…”

Arrivée dans le bureau du boss, Claude François va droit au but.
“Vous êtes belle mais savez-vous danser ?” demande Clo-Clo.
“Oui” répond timidement Patricia.
“Mon histoire de Clodette a donc commencé par un petit mensonge…”
Le lendemain de l’audition, Patricia participe à son premier gala.
“Claude s’est vite rendu compte que je n’étais pas une excellente danseuse, mais il a été très humain. Il m'a dit : “C’est incroyable que ce soit moi un blanc qui apprenne à danser à une noire !”
Comme quoi les clichés selon lesquels la danse serait innée chez les noirs, ont la vie dure… Puis j’ai vite progressé à ses côtés” ajoute Patricia.
Nous sommes en 1968, une aventure professionnelle de trois ans auprès de la plus grande star de l’époque commence pour la jeune Patricia qui enchaîne aux côtés du chanteur
populaire les galas en province et les shows télévisés.
“À l’époque, on se produisait partout, même dans les très petites villes. Je me disais que jamais on ne remplirait la salle, et c’était toujours complet.”
Côtoyer presque au quotidien un Claude François aussi exigeant dans le travail a été la meilleure des écoles pour Patricia dont le parcours de Clodette n’était pas vraiment du goût de sa maman à l’époque.
“J’ai passé un deal avec elle qui ne voulait pas que sa fille “lève la jambe” : si j’intègre les Clodettes, je continue mes études. J’ai donc passé le Bac en parallèle.”

Deux années et demi merveilleuses au cours desquelles Patricia Criton était appréciée des hommes autant que des femmes qui voyaient en les Clodettes un peu le prolongement de leur idole Claude François.
“Pour les fans, on faisait partie intégrante de Claude.”
Le chanteur et l’homme qui fait aujourd’hui l’objet d’un film étaient deux personnages sans doute très différents. Patricia a connu le chanteur“très exigeant, mais très humain. Jamais il n’a été dur
avec nous. Il m’a appris à être exigeante vis-à-vis de moi-même. Il respectait ses Clodettes. Il
n’était pas du genre à penser que le droit de cuissage pouvait exister” confie l’ex-Clodette
qui a gardé quelques liens avec certaines de ses anciennes camarades de travail.
“J’ai été recontactée il y a deux ans par l’une d’elle qui tente aujourd’hui de faire reconnaître notre
droit à l’image. Une procédure est en cours à laquelle se sont jointes une dizaine d’entre nous” indique Patricia.
En 1971, la belle Africaine quitte l’aventure, “pour me marier. Et pour continuer mes études. Je ne voulais pas lever la jambe ad vitamæter-nam!”
Sans regret, mais avec “que des bons souvenirs. Je ne suis pas du genre fétichiste, ce passé-là, je l’ai dans mon cœur. J’ai gardé de cette époque une ou deux tenues… que je ne pourrais plus enfiler aujourd’hui…” rit-elle.
Patricia intégrera et suivra avec brio un cursus supérieur à l’école française des attachés de presse à Paris. Elle a vécu la mort de Claude François en 1978 comme un drame, comme toutes les fans.
Après ses études, Patricia entrera en tant que chargée des relations publiques à Air Afrique,
la grande compagnie aérienne qui regroupait onze pays de l’Afrique Noire. Attachée de presse pour la France et l’Europe, elle terminera sa carrière comme directrice de la communication et du marketing de la compagnie jusqu’à la dissolution de celle-ci en 2002. Une carrière professionnelle au cours de laquelle elle accumulera de fructueuses expériences et côtoiera le monde du sport, de la mode ou des affaires.
Toujours attachée à l’Afrique où elle n’a pourtant pas vécu, l’ancienne Clodette s’envole au moins une fois par an pour le Sénégal, “où les réalités de la vie remettent vite les choses en place. C’est mieux que des anxiolytiques” sourit l’ex-Clodette installée à Morteau.

En 2012, à l'occasion de la sortie en salles du film Cloclo, elle déclarait : 
« Ça fait plaisir cet engouement autour de Claude. Il avait une personnalité très attachante, ce qui explique qu’il fait à jamais partie de notre vie. De plus, s’il est toujours écouté 34 ans après sa mort alors que tant d’artistes sont oubliés, c’est bien la preuve de la qualité de son travail. » Et lorsqu’on lui demande quelle image de ses années Cloclo elle garde en mémoire, elle évoque un souvenir émouvant. « Un soir à Cambrai, à la fin de son gala, il s’est fait insulter par des types saouls qui raillaient son côté efféminé. Il sortait de scène, donc dans un état de forte surexcitation, prêt à se castagner. Les musiciens étaient occupés à l’autre bout du chapiteau. Je me souviens l’avoir calmé en lui massant les tempes, comme une maman. C’était un moment très doux. Sans qu’il y ait jamais d’ambiguïté dans les rapports qu’il entretenait avec les Clodettes, nous éprouvions toutes de l’admiration pour lui. »

Source : La Presse Pontissalienne n° 151

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